Impact micronutritionnel de la pilule contraceptive

3 septembre 2024

Un peu d’histoire…

Moyen de contraception le plus utilisé de nos jours en France, la naissance de la pilule contraceptive remonte au siècle dernier. Elle a tout d’abord été mise sur le marché en 1960 aux Etats-Unis, notamment grâce au travail du scientifique Gregory Pincus, motivé et financé en partie par l’infirmière Margaret Sanger créatrice du planning familial US, et par Katherine Dexter Mc Cormick biologiste de formation et activiste pour le droit des femmes. Les recherches de Gregory Pincus l’ont amené au sud du Mexique, à extraire d’une igname, une molécule (sapogénine) et à partir de celle-ci fabriquer la diosgénine, précurseur de la progestérone. Par ailleurs un autre chercheur bulgare est parvenu à synthétiser une progestérone encore plus puissante, et l’a apportée à Gregory Pincus. La pilule est premièrement autorisée pour le contrôle du trouble des règles. C’est en 1965 qu’un arrêt de la Cour suprême autorise l’utilisation de la pilule comme contraceptif mais uniquement au sein des couples mariés. C’est en 1967 qu’elle fut autorisée en France, année par ailleurs du décès du chercheur Pincus.

Cependant les effets secondaires de la pilule sur la santé cardio-vasculaire inquiètent (phlébite, embolie pulmonaire), et les recherches se poursuivent pour les limiter. Les doses d’hormones employées étaient à cette époque environ 10 fois plus importantes que celles présentes dans les pilules actuelles.

Pilule & santé cardio-vasculaire

La pilule oestro-progestative est en effet pointée du doigt pour son lien avec la thrombose veineuse1. Les œstrogènes augmentent la capacité du sang à coaguler, et donc le risque de contracter un caillot sanguin. Selon la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique, le risque d’apparition d’une maladie thrombo-embolitique est 3 à 5 fois plus élevé chez la femme prenant une contraception orale combinée. Ces facteurs multiplicateurs varient selon l’équilibre hormonal de la pilule (type de progestatif, dosage d’œstrogènes)2. Ce risque serait encore majoré si la contraception hormonale combinée concerne le patch ou l’anneau vaginal. Ce dernier augmenterait de 1,9 fois plus de risque de caillot sanguin, comparé à la pilule hormonale combinée, selon le National Women’s Health Network. Par ailleurs il faut tout de même regarder les chiffres absolus du risque de faire un accident thrombotique chez une femme prenant un contraceptif oral combiné. Les chiffres se veulent alors plus rassurants : la probabilité d’avoir une maladie thromboembolique se situe entre 0,0005 et 0,001% par an3. Vous avez donc plus de chance de développer une thrombose si vous prenez une pilule oestro-progestative comparé à une femme n’en prenant pas, mais le risque reste tout de même faible.

Notons également que les facteurs de risque dépendent également des caractéristiques propres à l’individu : le prescripteur prendra alors en compte l’âge de la femme, si elle est fumeuse, son bilan lipidique, si elle a des antécédents familiaux et personnels de maladie thrombo-embolitique. Dans le cas où la prise d’œstrogènes est contre-indiquée, il pourra alors par exemple lui être prescrit une pilule contenant seulement des progestatifs ou bien un autre type de contraception.

Pilule & statuts en micronutriments

Les études (anciennes et plus récentes) sur l’impact micronutritionnel de la pilule montrent des réductions des statuts en vitamines B (B2, B6, B9, B12), E, Magnésium, Zinc et Sélénium du fait de la prise de la pilule contraceptive4,5,6,7. Les conséquences de ces déficits en micronutriments viennent donc allonger la liste des effets secondaires de ce moyen de contraception. Par exemple, une carence en magnésium peut induire des maux de têtes, difficultés d’endormissement, des tressautements de paupières, des crampes, une intolérance au stress, des troubles de l’humeur… Un manque de vitamine B12 peut impacter le fonctionnement hématologique (pouvant se manifester par une anémie macrocytaire) ou neurologique. Dans le cas d’une contraception hormonale, et même en dehors, il est donc prudent de surveiller les taux sanguins de ces micronutriments, de vérifier l’équilibre de l’assiette et de palier aux carences potentielles.

Pilule & métabolisme

Une étude transversale publiée en 2021 met en lien la prise de la pilule contraceptive et un hypofonctionnement thyroïdien8. L’hypothyroïdie est responsable elle-même de nombreux symptômes tels que de la fatigue, une constipation, une fréquence cardiaque plus lente, une frilosité, une résistance à la perte de poids… Il serait alors légitime de se demander si la prise de la pilule ne pourrait pas impacter négativement la balance énergétique de la femme. Une autre étude expose toutefois qu’actuellement l’impact de la contraception orale sur le poids corporel ne semble pas clair9.

Pilule & cancers

L’institut national du cancer affirme que sur le long terme, la pilule pourrait avoir un effet protecteur non négligeable contre certains cancers, comme ceux de l’ovaire et de l’endomètre. Ces bénéfices seraient renforcés avec la durée d’utilisation (avec un intérêt maximal après 10 ans), et seraient particulièrement importants chez les fumeuses et les femmes obèses.
Par ailleurs il est indiqué un risque légèrement accru du cancer du sein (utilisation récente ou supérieure à 10 ans) et du col de l’utérus (utilisation supérieure à 5 ans) pour ce qui concerne les contraceptifs hormonaux combinés. Ces effets sont également observés avec les pilules microprogestatives. Ces effets seraient atténués au fil des années après l’arrêt de la prise.

Pilule & psychisme

La pilule pourrait augmenter le risque relatif de première utilisation d’antidépresseurs notamment chez les adolescentes. Cet effet serait également remarqué chez les femmes plus âgées mais avec un risque relatif moins important10. Un autre aspect souvent discuté est l’impact des contraceptifs hormonaux sur la libido : le désir sexuel diminuerait. Cependant une revue systématique balayant des études publiées entre 1975 et 2011 ne montrent pas de différence significative de la libido chez les femmes utilisant une pilule combinée ou non. Seules les femmes prenant des pilules avec des dosage bas de ethinylestradiol (15μg) voyaient leur libido diminuer11.

Tous ces effets doivent être considérés dans le cadre d’une évaluation globale de l’intérêt et des risques de la contraception hormonale orale pour chacune des femmes.

Différents professionnels de santé peuvent vous aiguiller mais le choix de contraception vous appartient. Il est important de connaitre les contre-indications et effets secondaires de chacun d’entre eux, pour faire un choix éclairé en toute conscience.


  1. Deeksha Khialani, Frits Rosendaal, Astrid van Hylckama Vlieg (2020). Hormonal Contraceptives and the Risk of Venous Thrombosis. Semin Thromb Hemost
  2. Justine Hugon-Rodin, Marc Blondon, Julie Benard, Geneviève Plu-Bureau, Isabelle Streuli (2017). Traitements hormonaux et risque de thrombose veineuse chez la femme. Revue médicale Suisse
  3. Nina Brochman, Ellen Stokken Dahl (2018). Les joies d’en bas. Babel
  4. M Blum, E Kitai, Y Ariel, M Schnierer, H Bograd (1991). Oral contraceptive lowers serum magnesium. Harefuah
  5. Soudabeh Fallah, Fatemeh Valinejad Sani, Mohsen Firoozrai (2009). Effect of contraceptive pill on the selenium and zinc status of healthy subjects. Contraception
  6. E V Shikh, A A Makhova, A V Chemeris, I A Tormyshov (2021). Iatrogenic deficits of micronutrients. Vopr Pitan
  7. M Palmery, A Saraceno, A Vaiarelli, G Carlomagno (2013). Oral contraceptives and changes in nutritional requirements. Eur Rev Med Pharmacol Sci
  8. Yuxuan Qiu, Yuanyuan Hu, Zhichao Xing, Qingyu Fu, Jingqiang Zhu, Anping Su (2021). Birth control pills and risk of hypothyroidism: a cross-sectional study of the National Health and Nutrition Examination Survey, 2007-2012. BMJ Open
  9. Lore Metz, Laurie Isacco, Leanne M Redman (2022). Effect of oral contraceptives on energy balance in women: A review of current knowledge and potential cellular mechanisms. Metabolism
  10. Charlotte Wessel Skovlund, Lina Steinrud Mørch, Lars Vedel Kessing, Øjvind Lidegaard (2016). Association of hormonal contraception with depression. JAMA Psychiatry
  11. Zlatko Pastor, Katerina Holla, Roman Chmel (2013). The influence of combined oral contraceptives on female sexual desire: a systematic review. Eur J Contracept Reprod Health Care

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